Alors que les ventes de climatiseurs explosent avec la canicule, la startup indonésienne Recoolit propose un système permettant de capturer et d’éliminer les gaz réfrigérants, des milliers de fois plus puissants que le dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Pour les détruire, la société les place dans un four à haute température ou un incinérateur. Depuis sa création en 2021, elle a pu intercepter et éliminer l’équivalent de 1 500 tonnes de CO2.
Lors du récent épisode caniculaire en Europe, de nombreux ménages ont acheté et installé des climatiseurs pour faire face à la forte chaleur. Alors que ce type d’événement climatique extrême devrait devenir la norme à cause du réchauffement climatique, les ventes de climatiseurs sont appelées à croître de manière exponentielle. Or, comme l’a souligné le chimiste Mario José Molina-Pasquel Henriquez, lauréat du prix Nobel de sa discipline en 1995, « l’ironie du réchauffement climatique est que les moyens de se rafraîchir aggravent le réchauffement ».
Les gaz réfrigérants, des super-polluants climatiques
En effet, les climatiseurs contiennent des gaz réfrigérants, des fluides des milliers de fois plus puissants que le dioxyde de carbone lorsqu’ils s’échappent dans l’atmosphère. Ces super-polluants climatiques sont également présents dans les réfrigérateurs et les voitures. Selon des études, des gaz réfrigérants comme le R-22 polluent jusqu’à 10 000 fois plus que le CO2 une fois dans l’atmosphère. Ceux appelés chlorofluorocarbures (CFC), en particulier, détruiraient fortement la couche d’ozone quand ils sont relâchés.
Les gaz réfrigérants représenteront entre 7 et 19 % des émissions de GES d’ici 2050
Malgré leur nuisance, les gaz réfrigérants sont relégués au second plan dans les discussions sur le climat. Or, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), ils devraient représenter entre 7 et 19 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 avec la hausse des températures et celle des achats de climatiseurs. Des accords internationaux ont été signés pour réduire progressivement les CFC. Mais ils restent timides, alors que ces fluides frigorigènes seront utilisés pendant plusieurs décennies encore.
Un risque de dispersion lors de l’élimination des gaz réfrigérants
Il existe des substituts aux CFC, moins nocifs pour la couche d’ozone, comme les hydrofluorocarbures (HTC). Cependant, ceux-ci présentent également d’importantes propriétés de réchauffement climatique. Comment alors résoudre le problème ? Quelques entreprises s’attaquent à cette pollution en faisant une chasse aux réfrigérants. Elles collectent des bonbonnes et des réservoirs dans de vieux climatiseurs et réfrigérateurs, puis les incinérer, rendant ainsi les composés inoffensifs. Mais il y a un risque de dispersion lors de l’élimination, car les réfrigérants peuvent être libérés accidentellement ou volontairement. Cette dispersion est illégale dans la plupart des pays. Toutefois, l’application de cette interdiction reste limitée.
Recoolit a conçu une solution plus propre et plus sure
En Indonésie, Recoolit propose un moyen d’élimination plus propre et sûr. Cette startup créée en 2021 par Louis Potok, et basée à Jakarta la capitale, a mis au point un écosystème qui détruit les réfrigérants sans émissions dans l’une des régions les plus menacées au monde. Elle capture les gaz réfrigérants des climatiseurs, puis les place dans un four à haute température ou un incinérateur pour les détruire. Après cela, elle les transforme en crédits carbone avec Dropbox Sign.
Dropbox Sign s’occupe de gérer efficacement le réseau complexe d’approbations pour Recoolit
Chaque bouteille de réfrigérant collectée par Recoolit nécessite une chaîne d’approbations, comprenant des techniciens, des transporteurs et des responsables d’installations. Dropbox Sign permet à la petite équipe de la startup indonésienne de gérer efficacement ce réseau complexe d’approbations, assurant ainsi le bon déroulement de la mission. L’entreprise aide à lever les obstacles réglementaires, les problèmes logistiques et les défis culturels en tout genre. Ce travail s’impose pour convertir les réfrigérants capturés en crédits carbone de haute qualité.
Recoolit a déjà empêché l’équivalent de 1 500 tonnes de CO2 d’atteindre l’atmosphère
Recoolit a réalisé sa première capture de réfrigérant en 2021 et sa première cérémonie de destruction en 2022, deux étapes cruciales pour ce projet durable. La startup dit avoir déjà capturé suffisamment de réfrigérants pour empêcher l’équivalent de 1 500 tonnes de CO2 d’atteindre l’atmosphère. Les entreprises s’arrachent ses crédits carbone de haute qualité pour atteindre leurs objectifs climatiques. Recoolit vend ses crédits carbone directement aux industriels grâce à une méthodologie développée par le Carbon Containment Lab, une organisation à but non lucratif de l’Université de Yale (États-Unis).
Recoolit finance sa croissance avec les ventes de crédit carbone
Une tonne d’équivalent dioxyde de carbone revient à 75 dollars (64 euros). Ce prix est plus élevé que de nombreux crédits visant à empêcher la déforestation, mais est inférieur à celui de l’élimination du carbone par d’autres technologies de pointe. Recoolit utilise les fonds générés par ces ventes pour financer sa croissance.
La startup souhaite d’abord s’étendre en Asie du Sud-Est et en Inde avant de viser la Chine et l’Europe. Elle s’est fixée un objectif ambitieux : éliminer un milliard de tonnes de dioxyde de carbone de l’atmosphère d’ici 2050. Selon les estimations des experts, si le monde adoptait de meilleures pratiques de gestion des gaz réfrigérants, il pourrait contenir 87 % de ces substances polluantes d’ici le milieu du siècle. Et cela permettrait d’éviter des émissions équivalant à 89,7 gigatonnes de CO2.