La loi Duplomb, un texte taillé sur mesure pour et par l’agro-industrie

Examinée mi-mai en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, la proposition de loi Duplomb est vivement contestée depuis plusieurs semaines par des ONG écologistes et des élus de gauche. Et pour cause, ce texte taillé sur mesure par la FNSEA, et pour les agro-industriels, vise principalement à réautoriser les néonicotinoïdes, tueurs d’abeilles, et à faciliter l’implantation de mégabassines. Ses détracteurs demandent son retrait pur et simple.

Arrivée à l’Assemblée nationale le 6 mai, la proposition de loi Duplomb du sénateur Laurent Duplomb a été examinée les mardi 13 et mercredi 14 mai en commission des affaires économiques. Mais le 26 mai les députés l’ont rejetée, après adoption d’une motion de rejet préalable. Ils doivent maintenant se réunir en commission mixte paritaire avec les sénateurs pour tenter de s’accorder sur une version finale du texte.

Retour des néonicotinoïdes et facilitation de l’implantation des mégabassines

La proposition de loi Duplomb prévoit pour l’essentiel de réautoriser certains produits phytosanitaires, comme les néonicotinoïdes interdits depuis 2018, et de faciliter l’implantation de mégabassines qui accaparent les ressources en eau au profit de l’agriculture intensive. Des mesures concernent également les projets de bâtiments d’élevage et la définition des zones humides. Les associations écologistes sont peinées de constater que ce texte reprend quasiment mot pour mot les revendications productivistes de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).

La ministre de l’Agriculture juge la loi Duplomb « consensuelle »

On retrouve en effet dans la loi Duplomb la plupart des propositions émises par la FNSEA dans un document publié fin août 2024. Il y a notamment l’épandage par drone, la réintroduction de pesticides interdits et la remise en cause du fonctionnement de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Arnaud Rousseau, patron du puissant syndicat agricole, plus que satisfait de la loi Duplomb, présente celle-ci comme « un moteur législatif dont notre agriculture a besoin pour redémarrer ». La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, très en phase avec les positions de la FNSEA, a également défendu cette proposition de loi en la jugeant « consensuelle ».

La loi Duplomb fait le jeu des industries agroalimentaires

Pour leur part, les organisations environnementales y voient un texte qui fait le jeu des industries agroalimentaires et de l’alimentation animale. Difficile de ne pas le penser en scrutant le CV de ceux qui portent et soutiennent cette loi. À commencer par Laurent Duplomb, président FNSEA de la chambre d’agriculture de Haute-Loire, président de la région du géant du lait Sodiaal et membre du conseil de surveillance de la marque Candia. L’élu se présente ainsi comme le petit messager de l’agro-industrie au palais du Luxembourg.

Coup de pression des représentants de l’agro-industrie sur les députés

Fort de ce représentant au Sénat, la FNSEA a pu faire passer ses intérêts comme lettre à la poste. Plusieurs amendements explicitement coécrits avec le syndicat productiviste ont été introduits, en plus de l’ossature principale. Ils préconisent notamment la suppression de la séparation entre vente et conseil en matière de pesticides, la reconnaissance des bassines comme d’intérêt majeur et la restriction de la définition des zones humides afin de limiter leur protection. En plus du pilotage de la loi par l’organisation agricole, de nombreux députés ont reçu des courriers et appels de représentants agro-industriels les incitant à voter le texte. Certains n’ont pas eu besoin de ce coup de pression pour défendre le texte, comme ceux du Rassemblement national (RN), parti qui entend surfer sur la vague réactionnaire et nationaliste du monde paysan.

L’exécutif craint-il la réaction vigoureuse de la FNSEA ?

Pour les associations environnementales, le puissant lobby agroindustriel a utilisé son pouvoir pour imposer ses intérêts et un calendrier d’examen du texte par les députés, alors que d’autres sujets sont plus urgents en France. À leurs yeux, cette manœuvre pose une question de transparence démocratique. Tandis qu’elles peinent à être reçues par le ministère de l’Agriculture, la FNSEA a ses entrées dans le bureau d’Annie Genevard, se plaignent les ONG. Les écologistes pensent que l’exécutif a peur de la réaction énergique du syndicat qui a maintes fois montré sa capacité à paralyser le pays en bloquant les routes avec les tracteurs. Pour un gouvernement Bayrou vacillant, il est impératif d’éviter de se mettre à dos une telle force.

Appel des ONG au retrait de la loi Duplomb

Les organisations estiment d’ailleurs que c’est la direction de la FNSEA et les industriels qui poussent pour faire voter cette loi, pas les paysans. Elles disent ne pas avoir entendu des agriculteurs réclamer plus de néonicotinoïdes, tueurs d’abeilles, ou d’élevages industriels. Ces revendications n’émanent pas de la base, qui a d’autres priorités comme leur rémunération. Plusieurs paysans bio notent d’ailleurs qu’il existe des alternatives aux pesticides. Dans une lettre adressée aux députés, une demi-douzaine d’associations – dont Greenpeace, Réseau Action Climat et CIWF France, demande le retrait pur et simple de la loi Duplomb.

Auteur de l’article : EcoloBizz

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