Braconnage, déprédation des ressources naturelles, empoisonnement des sols et des cours d’eau… La présence croissante des intérêts chinois en Guinée, comme dans le reste de l’Afrique, n’est pas une bonne nouvelle pour la biodiversité et la préservation de l’environnement.
Depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19 à Wuhan en janvier dernier, les yeux du monde entier se sont tournés vers la Chine, et notamment vers le marché de fruits de mer de la ville, où se seraient produites les premières contaminations humaines. Beaucoup ont alors découvert le spectacle saisissant d’animaux exotiques en cage, cohabitant avec des carcasses sans la moindre précaution d’hygiène. Des images qui ont mis en lumière l’abondante consommation d’animaux sauvages dans l’Empire du Milieu, tant pour les besoins de la pharmacopée traditionnelle du pays que pour la consommation à des fins d’alimentation. Et illustrent la prédation croissante de la Chine sur l’environnement sur le continent africain, à quelques 11 000 kilomètres de distance à vol d’oiseau.
Une destruction irréversible de la faune sauvage
Petit pays d’Afrique de l’Ouest, voisin du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, la Guinée bénéficie d’un écosystème et d’un environnement exceptionnels, dans lequel vivent de nombreuses espèces uniques au monde. Figurant parmi les pays les moins développés de la planète, la Guinée mise sur la présence croissante de la Chine dans le pays pour assurer son émergence. Mais subit dans le même temps un contrecoup dramatique d’un point de vue environnemental.
Les besoins gargantuesques du marché chinois en matière de faune sauvage font directement peser une forte pression sur de nombreuses espèces menacées de disparition à travers le monde et plus spécifiquement en Guinée. C’est notamment le cas – emblématique – du pangolin. Ce mammifère de la famille des Manidés, à qui l’on impute l’origine du Covid-19 et qui est présent dans les forêts du pays, est l’animal le plus braconné au monde. Entre 500 000 et 2,7 millions de pangolins seraient ainsi capturés chaque année dans les forêts d’Afrique centrale et expédiés en Chine. En mars 2020, les autorités ivoiriennes ont également démantelé un vaste trafic entre la Côte d’Ivoire et la Guinée, ayant conduit à la saisie de 3,5 tonnes d’écailles de pangolin.
Mais le pangolin n’est pas le seul animal menacé par la voracité des consommateurs chinois. Les chimpanzés d’Afrique de l’Ouest se voient aussi menacés d’extinction, notamment en raison de l’intense trafic de crânes de ces primates vers la Chine, où ceux-ci servent d’ingrédient dans la préparation de remèdes traditionnels. Dans d’autres pays d’Afrique, ce sont d’autres espèces pourtant en voie de disparition comme l’éléphant, le rhinocéros ou encore la girafe qui sont directement ciblés par les braconniers pour satisfaire les besoins du marché chinois.
Dégradation de l’environnement et changement climatique
Outre la biodiversité, l’activité croissante des intérêts chinois en Guinée, et en premier lieu des consortiums miniers, met directement en péril l’environnement lui-même. Le pays dispose en effet de gigantesques réserves de bauxite, un minerai indispensable à la réalisation de l’aluminium, qui excite la convoitise de la Chine, premier producteur et consommateur mondial de ce métal. D’autant que les fournisseurs de l’Empire du Milieu se raréfient. En 2016, la Malaisie et l’Indonésie ont en effet décidé d’interrompre leurs exportations de bauxite vers la Chine, en raison des dégâts environnementaux et sanitaires provoqués par les méthodes controversées d’exploitation des entreprises chinoises.
L’extraction et la transformation du minerai ne sont cependant pas sans effets pour l’environnement. La production d’une tonne d’aluminium produit en effet trois tonnes de déchets, sous forme de boue rouge riche en métaux lourds toxiques, qui empoisonnent à la fois les sols et les cours d’eau. Par ailleurs, celle-ci nécessite un intense défrichement de certaines forêts primaires comme celle de Boké, où vivent pourtant de nombreuses espèces végétales et animales endémiques, à l’instar du chimpanzé d’Afrique de l’Ouest. Le transport des minerais n’est aussi pas sans conséquences sur l’environnement, et se traduit également par un défrichement massif et par la destruction des mangroves de palétuviers sur la côte, à cause de la construction de ports et de l’essor du trafic de cargos.
Cette destruction de l’environnement participe directement au réchauffement climatique. La déforestation massive par les entreprises chinoises entraîne une hausse des températures et des sécheresses de plus en plus fréquentes dans le pays qui menacent directement la vie quotidienne des populations locales. Celles-ci, souvent dépendantes de l’agriculture vivrière, voient ainsi leurs conditions même d’existence menacées par l’accroissement des activités humaines.
Le barrage de Souapiti : une catastrophe humanitaire et environnementale
Pour alimenter en électricité ses usines de traitement du minerai, la Chine a construit dans l’intérieur du pays un barrage géant à Souapiti, sur le fleuve Konkouré. Long de 1 kilomètre et haut de 120 mètres, cette centrale hydroélectrique devrait devenir lors de son entrée en fonction la plus grande d’Afrique de l’Ouest. Et couvrir largement les besoins des compagnies minières et des industries sidérurgiques de l’Empire du Milieu implantées dans le pays.
La construction du barrage a entraîné l’engloutissement de quelques 250 km² de terres, de 101 villages et de pans entiers de forêt. 16 000 Guinéens ont été chassés de leur terre par la montée des eaux, et doivent désormais survivre dans des conditions extrêmement difficiles, à peine secourus par une aide alimentaire d’urgence. Une situation de crise qui illustre une fois de plus la manière dont l’urgence humanitaire succède souvent aux catastrophes écologiques et aux atteintes graves à l’environnement.
L’accroissement des activités minières chinoises en Guinée interpelle quant à la nécessité de préserver l’environnement dans le pays. Un sujet qui dépasse de loin la simple problématique environnementale, puisqu’il apparaît étroitement corrélé à la problématique du développement de ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, qui figure parmi les plus pauvres au monde.