Après dix jours de négociations à Genève, les représentants de plus de 170 pays n’ont pas pu s’accorder sur un traité mondial contre la pollution plastique, dans la nuit du jeudi 14 août. Le groupe des pays pétroliers et celui dits des « ambitieux » avaient des positions très tranchées. Et maintenant, que faire ? Tandis que certains négocient un nouveau round de discussions, d’autres souhaitent changer les règles du jeu pour que la voix de la majorité l’emporte.
Le premier traité international pour mettre fin à la pollution plastique ne verra pas le jour de sitôt. « Nous n’aurons pas de traité sur la pollution plastique ici à Genève » a annoncé vendredi au lever du jour, le représentant de la Norvège. Réunis depuis le mardi 5 août à Genève, en Suisse, les représentants de plus de 170 pays ne sont pas parvenus à trouver un accord jeudi soir, à l’issue de dix jours d’intenses négociations. C’est le deuxième échec en moins d’un an, après celui de Busan, en Corée du Nord, en décembre 2024.
Deux camps s’opposent sur le traité contre la pollution plastique
D’abord rejeté mercredi, le texte a été remanié pour trouver un compromis. Ce nouveau document a été présenté au milieu de la nuit de jeudi à vendredi. Mais, il comportait encore plus d’une centaine de points à clarifier. Malheureusement, les discussions ont capoté une nouvelle fois. Deux camps s’opposaient diamétralement. Il y avait d’une part le groupe des pays producteurs de pétrole et leurs alliés (Arabie saoudite, Russie, Iran, Koweït, Etats-Unis, etc.), réunis sous la banderole des « pays partageant les mêmes idées » (« like-minded countries »). Et de l’autre, celui des pays dits de « la coalition de haute ambition », dont font partie l’Union européenne, le Canada, l’Australie, les territoires insulaires et de nombreux États d’Amérique latine et d’Afrique.
Une profonde division autour de l’article 6
Pour les premiers, l’équation est simple : puisque le plastique est produit à base de pétrole et que la lutte contre le changement climatique en limite les débouchés, il faut miser sur la pétrochimie et le recyclage pour maintenir la filière. Cette décision permettrait de continuer de tirer profit de l’or noir toujours abondante chez eux. Dans ce cadre, les États pétroliers s’opposent fermement à l’article 6, qui préconise une réduction drastique de la production de plastique. Dès le premier jour de ce dernier round helvétique de négociations, les Etats-Unis ont même transmis un courrier à une poignée de pays, « les exhortant à rejeter l’objectif d’un pacte mondial incluant des limites à la production de plastique et aux additifs chimiques ».
La Chine est restée relativement discrète
L’Arabie saoudite en a fait de même, au nom du groupe des pays arabes (soit 22 nations). Elle a publié une proposition dans laquelle elle inscrit en « option 1, pas d’article 6 ». De son côté, la Russie, autre grand producteur d’hydrocarbures, s’est contentée d’un lapidaire « pas de texte sur l’article 6 ». Quant à la Chine, premier producteur mondial de plastique, elle est restée relativement discrète tout au long des discussions, après avoir signé des documents avec les pays pétroliers.
Les lobbies du pétrole étaient dans les couloirs pour faire échouer le traité contre la pollution plastique
En face, il y a le groupe des ambitieux, qui rejette toute version du traité envisageant de lutter contre la pollution plastique uniquement via le recyclage. Dans sa proposition pour l’article 6, publiée en réponse aux textes laconiques des pays pétroliers et alliés, le Panama, qui fait partie du club des « ambitieux » a exigé « une ambition mondiale de réduction de la production » de plastique primaire. Son négociateur en chef Juan Carlos Monterrey-Gomez a pointé du doigt la responsabilité de plus de 230 lobbyistes des secteurs pétroliers dans « l’impasse » formée autour de l’article 6. Selon lui, « ils ont infiltré ces négociations pour sauvegarder leurs intérêts et leurs profits au détriment de tous les autres ».
Agnès Pannier-Runacher « déçue » et « en colère »
Au nom de la France, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, s’est dite « déçue » et « en colère » après l’échec des négociations à Genève. Elle déplore qu’« une poignée de pays, guidés par des intérêts financiers de court terme et non par la santé de leurs populations et la durabilité de leur économie, [aient] bloqué l’adoption d’un traité ambitieux contre la pollution plastique ». Également très déçu de l’issue des discussions, l’ONU a annoncé vendredi que le président des pourparlers, le diplomate équatorien Luis Vayas Valdivieso, doit donner une brève conférence de presse pour situer sur la suite des événements. Luis Vayas Valdivieso, qui présidait déjà au dernier sommet à Busan, est très critiqué pour sa gestion de ces nouvelles négociations.
Des pays demandent une autre session de négociations
Maintenant que la montagne a accouché d’une nouvelle souris, quel avenir pour le traité international contre le plastique ? L’Ouganda a demandé une autre session de négociations, sur la base de celles qui viennent de s’achever. Luis Vayas Valdivieso a assuré de son côté que la session de négociation n’est « pas close ». Il a annoncé que « le secrétariat va travailler pour trouver une date et un endroit, où ces nouvelles discussions auront lieu ». Mais les ONG environnementales et les politiques européens craignent un traité au rabais, en deçà des exigences environnementales, fort de la pression des lobbies du pétrole.
Faut-il voter à la majorité pour imposer le traité contre la pollution plastique ?
Pour ces « ambitieux », plus nombreux que les pétroliers, il faut dorénavant décider par la majorité et non plus par consensus, afin d’obtenir enfin un accord. Pour eux, ce forceps se justifie au regard des enjeux environnementaux et sanitaires. Rappelons que le plastique est un danger pour la nature car il se dégrade difficilement et répand des micro fragments qui nuisent aux écosystèmes (eaux, sols, plantes, animaux). Ces microplastiques se retrouvent également dans notre organisme via notamment l’eau potable du robinet et l’eau minérale en bouteille. Ils peuvent causer des problèmes de santé, comme une perturbation du système reproducteur, des cancers et des maladies cardiaques.
Des alternatives durables au plastique existent
Aujourd’hui nous sommes cernés par les déchets plastiques. Ces matières restent pourtant essentielles aux hommes. Nous en produisons quelque 450 millions de tonnes par an et ce volume devrait tripler d’ici 2060, selon les prévisions de l’OCDE. Malheureusement, moins de 10% est recyclé et près de la moitié est à usage unique. Pourtant il existe des alternatives durables, promues ces dernières années par les écologistes et les scientifiques. Mais elles n’intéressent pas ou peu l’industrie.