Compte tenu de l’incapacité des pays à réduire leurs émissions de GES, les scientifiques doutent que la planète puisse limiter le réchauffement climatique sous le seuil symbolique des 1,5°C, fixé en 2015 par l’accord de Paris. Dans une nouvelle étude internationale, certains affirment que cet objectif n’est plus réaliste. Mais rien n’est perdu toutefois, affirment-ils, à condition de réduire ces émissions le plus rapidement possible.
Face au niveau de pollution atmosphérique actuel, il urge de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour limiter autant que possible le réchauffement de la planète et éviter les pires conséquences des changements climatiques. Pour engager tout le monde à le faire, l’Accord de Paris a été signé en 2015. Ce texte contraint les pays à baisser considérablement leurs émissions dans les prochaines années. L’objectif est de maintenir la hausse de la température moyenne à la surface du globe à long terme en dessous de 2 °C d’ici 2050 par rapport aux niveaux préindustriels, et de poursuivre les efforts pour la limiter à 1,5 °C d’ici la fin du siècle.
Le réchauffement climatique sous 1,5°C, un objectif « désormais inatteignable »
Malheureusement, les États ne se bougent pas beaucoup pour atteindre cette trajectoire. Alors que certaines personnes continuent d’y croire, une soixantaine de chercheurs de renom affirment dans une nouvelle étude annuelle que limiter le réchauffement climatique sous 1,5°C est un objectif « désormais inatteignable ».
Publiée le jeudi 19 juin dans la revue Earth system science data, cette étude s’intéresse aux indicateurs clés du climat, dont les émissions de gaz à effet de serre, l’influence humaine dans le réchauffement observé, l’élévation du niveau de la mer et le budget carbone restant pour contenir l’augmentation des températures. Elle dresse un constat sans équivoque : si l’humanité émet encore 130 gigatonnes de carbone dans l’atmosphère, l’objectif symbolique fixé lors de l’Accord de Paris sera officiellement caduc.
Les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record en 2024
Pour dresser leur constat, les scientifiques se sont appuyés sur les méthodes du Giec, le groupe d’experts du climat mandatés par l’ONU, auquel la plupart d’entre eux appartiennent ou ont appartenu. Selon leurs données, les émissions de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record en 2024, à 53 milliards de tonnes de CO2.
Conséquence de cette pollution, le réchauffement observé par rapport à l’ère pré-industrielle a atteint 1,52°C, dont 1,36°C attribuable à la seule activité humaine. Ce réchauffement d’origine humaine a augmenté de 0,27°C sur la dernière décennie. Il est largement imputable au secteur des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz).
Le budget carbone désormais réduit à l’équivalent de trois années d’émissions de CO2
Les scientifiques ont également calculé le budget carbone restant pour contenir le réchauffement mondial à 1,5°C. Il s’élevait à 130 milliards de tonnes de CO2 en 2024, contre 500 milliards en 2020 et 200 milliards en 2023. À noter, le budget carbone désigne la quantité de gaz à effet de serre que l’humanité peut se permettre d’émettre si elle veut limiter le réchauffement du climat à 1,5°C ou à 2°C.
Selon l’étude internationale, ce budget serait désormais réduit à l’équivalent de trois années d’émissions de CO2. « Le dépassement du seuil de 1,5°C est désormais inéluctable », juge l’un des auteurs, Pierre Friedlingstein, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique.
La montée du niveau de la mer s’accélère à cause du réchauffement climatique
Compte tenu de la dynamique actuelle, les scientifiques ne croient pas beaucoup que l’objectif du réchauffement climatique limité à 1,5°C sera atteint. « J’ai tendance à être une personne optimiste, mais si on regarde la publication de cette année, tout va dans la mauvaise direction », déplore l’auteur principal de l’étude, Piers Forster, de l’université de Leeds.
Si nous pouvons encore faire quelque chose, le chercheur estime que la fenêtre se referme toujours plus. Et pour ne pas arranger les choses, le budget carbone résiduel est en train de fondre comme beurre au soleil, tandis que la montée du niveau de la mer s’accélère. Entre 2019 et 2024, le rythme a plus que doublé, avec une hausse de 26 millimètres des eaux, contre moins de 2 millimètres par an depuis le début du XXe siècle.
La limitation du réchauffement climatique dépendra des politiques publiques
Pour enrayer ce cycle, il n’y a qu’une chose à faire et que tout le monde sait : réduire les émissions de gaz à effet de serre le plus vite possible. « Nous allons rapidement atteindre un niveau de réchauffement de 1,5°C, et la suite dépend des choix qui vont être faits », avertit la climatologue française Valérie Masson-Delmotte.
La directrice de recherche au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives pense que « nous pouvons limiter l’ampleur du réchauffement à venir, et protéger les jeunes générations de l’intensification des évènements extrêmes », à condition de prendre les bonnes décisions. Mais, à moins de six mois de la COP30 au Brésil, les politiques en faveur du climat sont fragilisées par le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris et par le climato-scepticisme assumé du président américain Donald Trump.