En Suède, le procès du plus grand scandale environnemental du pays se déroule dans la banlieue de Stockholm depuis le 3 septembre. Il concerne l’entreprise Think Pink, lauréate à plusieurs reprises d’un prestigieux prix national. Au cœur de cette affaire se trouvent l’ex-directrice Bella Nilsson, dit la « reine des ordures », et l’ancien PDG Leif Ivan Karlsson.
Il s’agit de la plus grande affaire de criminalité environnementale de Suède. Le mardi 3 septembre dernier s’est ouvert à Södertörn, en banlieue de Stockholm, le procès de l’entreprise Think Pink, soupçonnée d’avoir illégalement déversé ou enfoui environ 200.000 tonnes de déchets dans une vingtaine de sites répartis dans le centre du pays.
Think Pink a délibérément pollué le sol, l’eau et l’air
Selon l’acte d’accusation, qui repose sur une enquête policière compilée dans un document de 45.000 pages, Think Pink a libéré dans le sol, l’eau et l’air d’importantes quantités de polluants, dont le plomb, le mercure, l’arsenic et les polychlorobiphényles (PCB), des polluants dits éternels. Certains amas de déchets ont même provoqué des incendies. Pourtant, Think Pink passait pour une société exemplaire. Créée en 2012, cette entreprise s’était bâti une belle renommée, remportant à deux reprises un prestigieux prix suédois pour sa croissance rapide et la création d’emplois.
Une société exemplaire jusqu’à l’éclatement du scandale environnemental
Think Pink opère dans la gestion des déchets. Avec ses sacs fuchsia, la société récolte les déchets de constructions, les déchets électroniques et d’autres matériels comme les métaux, le plastique, le bois, les pneus et les jouets. Elle avait été sélectionnée par de nombreuses communes, entreprises de construction et copropriétés pour recycler et traiter leurs débris. Mais elle ne le faisait pas bien d’après l’enquête policière. Think Pink aurait constitué des tas de déchets non triés et broyés, et cela sans protection suffisante. Pis, elle s’en débarrassait comme bon lui semblait.
Les 200.000 tonnes de déchets retrouvés, la partie visible de l’amas ?
La justice suédoise affirme que l’entreprise, qui a fait faillite en 2020, a récolté les déchets sans intention ou capacité de les traiter conformément à la législation. Elle relève que ce manquement « a conduit, ou aurait pu conduire, à une pollution dommageable à la santé des humains, des animaux et à la flore ». L’un des procureurs, Linda Schön, pense que les 200.000 tonnes de débris retrouvés ne sont peut-être que la partie visible de l’amas. En effet, l’enquête s’est limitée à 21 sites pour rester dans les délais légaux. Il pourrait donc y en avoir d’autres.
Bella Nilsson, la « reine des ordures », au cœur du scandale environnemental
Au moins 150 témoins devront se succéder à la barre du tribunal de Södertörn jusqu’à mai 2025. Les onze accusés seront aussi entendus par les juges. A leur tête se trouve Bella Nilsson, ex-directrice de Think Pink qui s’était autoproclamée « reine des ordures ». Cette ancienne strip-teaseuse a comparu à l’ouverture du procès, le mardi 3 septembre dernier. Elle nie toute infraction et déclare avoir agi conformément à la législation. L’ex dirigeante se dit même victime d’un complot ourdi par ses concurrents. Son ancien mari et fondateur de l’entreprise, Thomas Nilsson, comparaît aussi.
Les accusés nient toute responsabilité
Parmi les autres accusés figurent Magnus Karlsson, un consultant sur les questions environnementales, Robert Silversten, un « courtier en déchets », et Leif Ivan Karlsson, un riche entrepreneur excentrique qui a participé à une émission de téléréalité. Ce dernier a été entendu le 15 octobre. Il est accusé de graves délits environnementaux et comptables, en tant que PDG de Think Pink pendant un an et demi. Pourtant, il réfute toute responsabilité. Il assure n’avoir été qu’un visage publicitaire pour augmenter le chiffre d’affaires de l’entreprise.
Plusieurs communes réclament des dommages et intérêts
Leif Ivan Karlsson et ses compères auront tout le temps de se justifier. Le procès suit son cours, avec le passage des témoins et des autres accusés. Plusieurs communes ont d’ores et déjà réclamé 23 millions d’euros de dommages et intérêts, pour les coûts de nettoyage et de décontamination. La commune de Botkyrka porte la requête. Pendant des mois, entre 2020 et 2021, des incendies provoqués par des monceaux de déchets de Think Pink ont fait de gros dégâts dans les alentours de la municipalité où se trouvent deux réserves naturelles. Le verdict est attendu dans sept mois.