Dans une interview accordée il y a un an à la rédactrice en chef de Geneva Solutions Kasmira Jefford, Didier Maurin, fondateur de DCT (ex Didier Maurin Finance – DMF), a analysé l’impact de la crise énergétique mondiale sur les investissements respectant les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Selon lui, ces derniers risquent d’être négligés à l’avenir, et le secteur financier à un rôle crucial à jouer dans la transition vers un avenir plus durable.
L’humanité fait face à un dérèglement climatique galopant qui influence de plus en plus les choix d’investissement. Les investisseurs, désormais conscients des dangers liés au réchauffement de la planète, souhaitent s’adapter en développant des portefeuilles plus écologiques. C’est une bonne nouvelle dans la mesure où le secteur financier international, qui gère des milliards de dollars, à un grand rôle à jouer dans la réalisation des objectifs de réduction des émissions à travers le monde, et donc vis-à-vis du dérèglement climatique.
Mais selon Didier Maurin, qui s’est entretenu fin juillet 2022 avec la rédactrice en chef de Geneva Solutions Kasmira Jefford, la montée en puissance des critères ESG pourrait être fragilisée par diverses crises, comme la hausse des prix des matières premières, la sécurité alimentaire et les répercussions de la guerre en Ukraine. « Il est évidemment beaucoup plus facile de prendre soin de la nature et de l’environnement lorsque le PIB est très bon et lorsqu’un pays crée beaucoup de richesses », affirme le fondateur du cabinet DCT (anciennement Didier Maurin Finance – DMF).
Le réchauffement climatique percute inévitablement les investissements
Didier Maurin souligne tout d’abord que le réchauffement climatique a un impact significatif sur les investissements dans différents secteurs, comme celui des vignobles, où les vignerons doivent s’adapter en choisissant de nouvelles variétés de raisins plus résistantes aux conditions climatiques changeantes.
Cependant, il précise que ce n’est pas le rôle des analystes financiers de prendre des décisions spécifiques concernant ces ajustements techniques. Cette tâche revient aux professionnels du vin. La mission principale des investisseurs consiste plutôt à garantir l’éthique dans leurs investissements, en s’assurant que les critères ESG sont respectés, et en encourageant les entreprises à adopter des pratiques responsables.
Didier Maurin considère que les experts financiers jouent un rôle essentiel en sélectionnant des actifs qui reflètent les valeurs de leur entreprise et qui respectent les critères ESG. Il insiste sur l’importance d’investir dans des groupes qui se concentrent sur des technologies propres, comme les énergies renouvelables, la dépollution des sols, l’intelligence artificielle, et d’autres domaines clés contribuant à la transition vers une économie à faible émission de carbone. L’interviewé croit fermement que l’avenir est tourné vers de nouvelles formes d’énergies naturelles telles que l’éolien, l’énergie solaire et les marées, et que les entreprises développant ces ressources ont un fort potentiel de croissance.
L’interview aborde également le domaine de l’immobilier, qui représente un grand secteur d’investissement. « Actuellement, l’avenir des marchés immobiliers tourne autour des bâtiments intelligents. Une fois encore, il faut respecter les règles ESG, même pour le marché immobilier. Mais de nouveau, je ne suis pas un architecte ou un maître d’œuvre, c’est aux experts de s’occuper de cela », précise Didier Maurin.
Il admet que le respect des critères ESG peut entraîner des coûts supplémentaires pour les propriétaires ou les investisseurs, mais il souligne également que les bâtiments durables génèrent une plus grande valeur grâce à un taux d’occupation plus élevé et à des loyers plus attractifs.
Didier Maurin observe avec inquiétude le ralentissement économique mondiale
Didier Maurin se dit inquiet face à différents facteurs (retombées de la pandémie de Covid-19, invasion de l’Ukraine par la Russie, crise des marchés énergétiques…) qui intensifient le ralentissement de l’économie planétaire.
« Je suis très, très pessimiste quant à la situation dans le monde. Par exemple, l’assouplissement quantitatif adopté par les gouverneurs des banques centrales est quelque chose de très dangereux. J’écrivais, il y a quelques années, qu’il était évident que l’inflation allait revenir et que nous n’allions pas rester à ce niveau d’inflation. L’inflation va probablement continuer à augmenter à un niveau de plus de 10% par an. Mais après cela, nous allons avoir quelque chose de beaucoup plus dangereux, à savoir les dévaluations », indique-t-il.
Il estime que les crises, plus l’inflation, peuvent fragiliser l’engagement des investisseurs en faveur d’investissements plus responsables et ainsi mettre à mal la transition vers une économie durable. Il explique que lorsque les entreprises et les personnes font face à des difficultés économiques, elles peuvent être tentées de mettre de côté les considérations environnementales ou éthiques.
Malgré tous ces défis, Didier Maurin reste convaincu qu’il est possible de concilier l’investissement responsable avec des rendements financiers attractifs. Il met en évidence la nécessité pour les entreprises d’adopter des pratiques respectueuses de l’environnement, car cela peut finalement avoir un impact positif sur leur performance financière à long terme. Il insiste sur le fait que l’éthique et la rentabilité doivent aller de pair et que les investissements dans des entreprises respectueuses des critères ESG peuvent apporter des avantages tangibles pour les investisseurs.
En clair, Didier Maurin souligne l’importance pour les gestionnaires financiers de rester attentifs à l’évolution des crises mondiales tout en restant fidèles aux principes ESG dans leurs investissements. Il encourage le secteur financier à jouer un rôle actif dans la promotion de pratiques responsables et à soutenir la transition vers un avenir plus viable, en investissant dans des entreprises qui développent des technologies propres et en choisissant des actifs immobiliers durables.