Une ferme urbaine sur les toits du Parc des Expositions, l’écoquartier EuropaCity ou encore la microbrasserie bio et artisanale La Parisienne font penser que la transformation est désormais inéluctable.
La plus grande ferme urbaine du monde sera à Paris, sur les toits du Parc des Expositions de la porte de Versailles, dans le 15e arrondissement. L’exploitation de 14 000 m2 (l’équivalent de deux terrains de football) permettra à plus d’une vingtaine de maraîchers de produire plus de mille fruits et légumes chaque jour, issus d’une trentaine d’espèces différentes, selon les informations de la Ville. La production de la ferme, qui devrait voir le jour au printemps 2020, alimentera les restaurants du parc des Expositions, mais aussi les habitants du sud de la capitale et des communes limitrophes.
Ambitieux, ce projet n’est cependant pas seul en son genre. L’écoquartier EuropaCity, qui devrait sortir de terre en 2024 sur la commune de Gonesse, dans le Val-d’Oise, à 19 km au nord-est de Paris, devrait accueillir un parc urbain de 10 ha ainsi qu’une ferme urbaine de 7 ha. Celle-ci devrait fournir en fruits et en légumes certains restaurants implantés sur le site et contribuer à développer les circuits courts et la mise en place d’un réseau avec les producteurs locaux.
Paris et sa région sont en effet décidées à faire pousser l’agriculture urbaine, dont les avantages sont nombreux : création de commerces dans les communautés (et donc de compléments de revenus), réduction de la pollution atmosphérique et des émissions en CO2, amélioration de la qualité des sols, réduction des coûts de récupération des déchets et des transports, réduction des emballages… En produisant des denrées alimentaires au sein des villes, les citadins reprennent le contrôle de leur consommation et réduisent les circuits de distribution. Outre les effets positifs sur l’économie et l’environnement, cela facilite les échanges intergénérationnels et renforce les liens sociaux.
EuropaCity et AgriHood, deux projets ambitieux contre la précarité
L’agriculture urbaine pourrait ainsi devenir une véritable révolution urbanistique, comme le suggère l’exemple de la ville de Détroit, aux États-Unis. Ancien fleuron de l’industrie automobile américaine, la ville a été déclarée en faillite en 2011. L’effondrement de l’industrie automobile, une dette de 18,5 milliards de dollars en 2013 et des taux de chômage qui pouvaient atteindre 50 % dans certains quartiers avaient fait fuir un quart des habitants de la ville.
Mais ce sont justement ces quartiers fantômes qui ont vu naître les premiers jardins urbains, dont « AgriHood ». Durable, bio, gratuit et idéalement situé en plein cœur de la ville, ce projet a déjà fourni plus de 22 tonnes de produits frais et gratuits à plus de 2 000 foyers aux revenus modestes.
En région parisienne, le projet EuropaCity se veut également populaire. Dans un département durement affecté par le chômage, l’écoquartier souhaite dynamiser le tissu économique en mêlant commerce, loisirs, culture et environnement. Plus de 10 000 emplois « durables et non délocalisables » devraient être créés sur les territoires concernés lors de la phase d’exploitation du projet. EuropaCity devrait par ailleurs attirer plus de 30 millions de visiteurs par an, dont 6 millions de touristes étrangers.
Révolution urbanistique inéluctable
L’écoquartier s’inscrit dans le projet d’aménagement du Triangle de Gonesse, qui prévoit notamment la création d’une lisière agricole pour « développer une agriculture innovante diversifiée et en circuit court », selon Jean-Pierre Blazy, maire (PS) de Gonesse.
Mais ces projets d’agriculture urbaine à Paris et dans sa région ne font que prolonger, et sans doute amplifier, une transformation initiée il y a déjà quelques années. Depuis 2016, la startup « Sous les fraises » cultive une ferme urbaine de 1 400 m2 sur le toit du BHV Marais. La Caverne, une ferme urbaine souterraine produisant champignons et endives, s’est installée en 2017 sous une HLM Porte de la Chapelle, dans le 18e arrondissement de la capitale. À Pantin (Seine–Saint-Denis), la microbrasserie bio et artisanale « La Parisienne » brasse, embouteille et cultive une partie de son houblon. Des exemples que l’on verra probablement un jour comme les éléments annonciateurs d’une révolution urbanistique inéluctable.